Coup de projecteur sur Delphine et Guillaume Journel : « Nous avons eu à faire et faisons encore face à un gros défi de commercialisation des vins de Bordeaux ».

Féret part à la rencontre de Delphine Journel, co-propriétaire des Domaines de la Parrhèsia comprenant le Château Couloumey, classé Monument Historique, ainsi que le Château Le Tuquet et sa chartreuse datant du 18e siècle.

8 janvier 2025
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Pouvez-vous présenter les Domaines de la Parrhèsia ?

Il s’agit d’un projet familial mené avec mon mari Guillaume. Nous avons vécu au Canada, mon mari y dirigeait un groupe de maisons de retraite et moi j’étais directrice de la Fondation de l’école française à Montréal. L’épisode COVID a provoqué chez nous un vrai désir de changement. Nous souhaitions nous mettre au service de quelque chose de plus positif tout en prenant la décision de rentrer en France pour nous rapprocher de nos familles respectives. C’est là enfin que nous avons décidé de mener à bien un vieux rêve. Nous sommes tous les deux des passionnés de vin. Nous nous sommes alors dit que quitte à se réinventer, autant le faire dans un milieu de passion. Nous avons tous les deux grandi en région parisienne, cependant ma famille produit du Cognac et du vin en Alsace. J’ai donc passé une grande partie de mon enfance dans les chais et les vignes. Le père de mon mari possède des vignes en Côtes de Provence, dont Guillaume s’occupe aujourd’hui.

Pourquoi Bordeaux et les Graves ?

Par goût! On a cherché un peu partout en France et en étudiant les différentes régions viticoles françaises, nous nous sommes aperçus que la région de Bordeaux avait quelques avantages au niveau climatique. Il nous semblait qu’elle serait une des régions les moins impactées par les changements climatiques, la sécheresse, les inondations ou encore les périodes de gel. Au sein de Bordeaux, nous avions une grande préférence pour cette AOP des Graves. Des vins selon nous assez identifiables avec du fruit et une finesse de tanins assez exemplaire.

Racontez-nous ce projet composé de deux entités dans les Graves

On a eu un vrai coup de cœur pour le Château Couloumey au départ mais les 3 hectares de vignes nous paraissaient peu viables et rentables. Ils nous manquaient 10 hectares, ce que l’outil de production de Couloumey était capable de vinifier. C’est à ce moment que nos agents nous ont proposé le Château Le Tuquet mais autant vous dire qu’avec 130 hectares de propriété dont 40 hectares de vignes, ce n’était plus le même projet (rires). Nous avons arraché les vignes de moins bonne qualité. Nous nous retrouvons aujourd’hui avec 27 hectares plantés. Pour ces deux entités viticoles, nous avons créé une seule société d’exploitation : les Domaines de la Parrhèsia.

Quels sont les écueils auxquels vous ne vous étiez pas attendus ?

Nous avons eu à faire et faisons encore face à un gros défi de commercialisation des vins de Bordeaux. Beaucoup de gens restent sur l’image de vins poussiéreux et vieillots. Il nous faut sans cesse démonter cette image. Nous avons aussi un gros enjeu de production. Nous devons en effet complètement restructurer ce vignoble. Ce qui ne va pas aussi vite que nous le souhaiterions.

Quelle est votre gamme ?

Nous avons aujourd’hui déjà du blanc, du rouge et du rosé. Et nous mettons l’accent sur les blancs que nous replantons pour rééquilibrer la production. Dans ce vignoble constitué à 90 % de rouge, il nous semblait important de remettre à l’honneur les blancs sur un terroir des Graves particulièrement et historiquement adapté aux cépages blancs. Nous avons replanté du Sauvignon blanc et allons planter de la Muscadelle. Nous innovons pas mal et élaborons ces blancs avec des vinifications en amphore et désormais en Wineglobe avec, en particulier, notre cuvée star Le Basurdéa (sanglier en basque). Compte tenu de l’expérience de mon mari avec les Côtes de Provence, nous élaborons des rosés « à la provençale » très clairs et légers mais aromatiques à partir de vignes issues de nos sols les plus argileux.

Voulez-vous tirer profit de votre situation de porte d’entrée des Graves ?

Nous mettons un gros accent sur l’œnotourisme ! Nous avons lancé une guinguette au Tuquet qui a rencontré un beau succès dans un très beau clos fermier. Nous avons également créé, il y a deux ans, un parcours Bulle Verte qui relie nos deux châteaux aux histoires architecturales très importantes et jusqu’alors pas très bien mis en valeur. J’ai mis  profit ma formation en histoire de l’art pour repenser ces lieux. C’est un vrai parcours d’une demi-journée avec déambulation à travers forêt et en passant par les bords du Gât mort. La responsable du réseau hydrographique du Saucats nous construit les animations qui racontent la faune et la flore dans la forêt. L’occasion pour nous également de raconter notre intérêt pour notre écosystème et cela même si nous n’avons pas opté pour un passage en bio mais pour des méthodes alternatives avec des nichoirs, des jachères fleuries, des produits de biocontrôle ou encore la présence prochaine de cochons dans nos vignes. Nous proposons au Tuquet des paniers pique-nique avec des produits locaux pour un moment qu’on souhaite hors du temps.  

Comment vous répartissez-vous les tâches au sein de l’entreprise ?

La répartition est assez simple. Mon mari crée le vin, il s’occupe de la vinification et moi, de l’écosystème et de l’œnotourisme. Nous étions, jusqu’à il y a peu, tous les deux en charge de la commercialisation. Vu la difficulté, nous avons décidé de nous attacher les services d’une directrice commerciale.  

Comment conquérir ou reconquérir des publics ?

Il faut créer de la nouveauté ! C’est notre bonne solution (rires). Nous avons commencé par changer le packaging des bouteilles, en faisant disparaître ou en maintenant le château en filigrane, nous avons opté pour l’Art Déco. Les vins ont également beaucoup changé, nous en avons modifié les profils tout en gardant – pour certains d’entre eux – la typicité des vins de Graves que nous aimons tant. À tel point que notre blanc de Couloumey apprécié par le grand public et les grands sommeliers a failli être retoqué par l’ODG. Il y a un petit souci dans le fait que les AOP n’évoluent pas au rythme des marchés ! On discute beaucoup avec l’ODG ! Nous allons bientôt planter une parcelle laboratoire sur nos terres, pour essayer des cépages résistants au changement climatique, pour voir si ces derniers s’adaptent aux terroirs des Graves. On a développé une gamme de vins rouges peu ou moins boisés. Sûrement dû au fait que nous sommes des néo-vignerons sans dogme !

Graves terre de blancs ?

Oui nous en sommes persuadés ! Nous allons d’ailleurs effectuer une sélection massale à partir de nos très vieux Sémillons – jusqu’à 68 ans ! Nous croyons beaucoup dans les blancs de Graves et énormément dans nos merveilleux vieux Sémillons.

Avez-vous un mantra ?

Je n’ai pas un mantra qui me guide. En revanche j’ai été élevée dans une famille nombreuse où on aimait recevoir. J’ai perpétué cette envie de partage et de lien social en particulier à travers nos actions œnotouristiques. Mon mantra serait donc le partage.

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