Paroles d'acteur : François-Régis Gaudry

François-Régis Gaudry, homme de lettres, journaliste, auteur et critique gastronomique présente « On va déguster » le dimanche sur France Inter depuis 15 ans désormais. Pour la Lettre Féret, il nous a fait l’honneur de revenir sur ses premiers souvenirs de vin, l’ambition de cette émission dominicale et son attachement à l’esprit de bande pour promouvoir, dans la joie et la bonne humeur, le bien manger et le bien boire.

18 juin 2025
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Si vous deviez vous présenter à un Martien ?

Je suis journaliste et critique gastronomique, pour la radio, la télévision, j'écris des livres de gastronomie, et je m'intéresse à la gastronomie au sens large, en essayant aussi d'explorer d'autres territoires, au gré de mes aventures et de mes projets professionnels. J'ai également été commissaire d'une exposition à la Conciergerie pour le Centre des Monuments nationaux en 2023, qui s'appelait « Paris Capitale de la Gastronomie », on est en train de créer un spectacle aussi, dans lequel justement Jérôme Gagnez va intervenir, un spectacle autour de la cuisine pour le théâtre du Rond-Point, qui va se dérouler les 1er, 2 et 3 avril prochain, dans ce théâtre public parisien, donc voilà. Mais s'il fallait résumer, ce pourrait être gastronome au sens large.

Qu’allez-vous faire au théâtre du Rond-Point ?

La nouvelle équipe du Rond-Point, dans une volonté affirmée de désacralisation du théâtre, nous a fait signe, parce qu'on avait déjà eu une première expérience sur scène en 2023 au Théâtre national de l'Orient qui avait très bien marché. Forts de ce succès, ils nous ont proposé de remanier un peu notre spectacle et de le proposer au public. La billetterie est ouverte et le public est déjà au rendez-vous ! L’idée, c'est peut-être d’envisager une tournée en France. Enfin, voilà, on ne veut pas mettre la charrue avant les bœufs, c'est un peu l'idée, on va voir.

Pour revenir sur « On va Déguster », comment est née cette émission, avec quelle envie ?

En fait, elle est née il y a 15 ans et elle existe sur une proposition de la direction de France Inter. À l'époque, Philippe Val et Laurence Bloch, qui étaient un peu le binôme à la tête de France Inter, et qui connaissaient ma plume de critique gastronomique dans L’Express, sont venus me chercher. Philippe Val m'a passé un coup de fil en me disant, « est-ce que ça vous intéresse d'imaginer une émission de cuisine pour l'été ? » Vous savez sans doute qu'à la radio publique, l'été a longtemps servi un peu de laboratoire pour tester de nouvelles voix, de nouveaux talents, et c'est ainsi que je me suis retrouvé devant le micro d'Inter sans l'avoir vraiment cherché. Cet été-là, en 2010, on a fait 10 émissions qui ont bien marché. Dans la foulée, ils nous ont installés à l’antenne tous les dimanches. On va entamer notre quinzième saison.

Le vin a toujours été envisagé dans cette émission ?

Oui, le vin a été envisagé tout de suite. Au départ, on était un peu monocorde dans le sens où nous avions un trio de départ qui était composé de moi au micro et de deux chroniqueurs : Elvira Masson, une chroniqueuse tout-terrain qui est toujours dans l'équipe et Dominique Huttin, aujourd’hui moins présent. Au bout de quelques années, nous avons élargi la bande. Et c'est ainsi qu' « On va Déguster » s’est ouvert à d'autres voix qui ont incarné le vin de manière différente.

Il y a eu Antoine Gerbelle et puis Jérôme Gagnez qui occupe évidemment une place importante dans cette émission. Il y a aussi Justine Knapp qui parle de vin un peu différemment avec un style bien à elle. C'est vrai que Jérôme Gagnez est très en vue. Il vient parler avec un certain franc parler de ce qu’il aime ou n’aime pas. Il fait, comme vous le savez, beaucoup la promotion du Bordelais parce qu'il est quand même aux premières loges de ce vignoble même s'il n'a pas manqué il y a quelques années de cela de participer au Bordeaux bashing. En même temps, il y avait des raisons de le faire en amoureux éconduit. On a désormais une émission plus polyphonique avec différentes personnalités et voix singulières. C'est à moi en tant que capitaine de bateau d'essayer de faire que le navire soit équilibré avec effectivement des gens qui incarnent plus une tradition, d'autres un engagement même si globalement on ne fait pas une émission militante. On n'a pas vocation à l'être et ce n'est pas notre rôle même si nous sommes engagés en faveur du bien manger et du bien boire avec évidemment une certaine conscience écologique. On ne peut pas faire autrement aujourd'hui. Par ailleurs, une partie d’entre nous est très franchouillarde, le revendique, dans la mesure où nous avons tout de même la chance d'habiter un pays avec des traditions qui continuent à m'émouvoir tous les jours et à déclencher du plaisir. Nous restons ouverts à toutes les cuisines du monde parce que c'est aussi mon spectre éditorial. Ça fait au final une émission qui se veut être la vitrine de la cuisine d'aujourd'hui sans évidemment en oublier toute la dimension historique, patrimoniale ou sociétale. Nous avons d'ailleurs un historien de renom, Loïc Bienassis, qui nous a rejoints et qui, en l'occurrence, a la vertu de nous rappeler l'histoire de la cuisine. Cette mise en perspective culturelle m’intéresse beaucoup.

François-Régis Gaudry, journaliste, écrivain et critique gastronomique

« On va Déguster » a évolué, quelle était votre ambition de départ ?

Pour être très honnête, le cahier des charges de France Inter était de réaliser une émission qui suscite la joie, la bonne humeur et qui fasse saliver. En fait, France Inter sortait d'un long tunnel, même si moi j'ai beaucoup apprécié ces émissions qui nous ont précédés. Il nous fallait nous démarquer d'une dizaine d'années de « Ça se bouffe pas, ça se mange » de l'ami Coffe. Il avait imprimé une forme d'indignation ou de polémique là où nous désirions proposer une actualité un peu moins anxiogène, une bulle de bonne humeur. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes des bisounours. Notre intention dès le départ était de proposer une vision positive de la gastronomie, d'inviter des gens à notre micro qui incarnaient la juste parole, l'exemple positif. Ainsi on va inviter des vignerons qui portent une vision nouvelle ou iconoclaste du vin ou inviter des maraîchers qui ont des choses à nous raconter sur la diversité des plantes potagères. Je fais mon miel de tous ces interlocuteurs qui ont des savoirs à nous délivrer de tous horizons. Ce sont des savoirs botaniques, scientifiques, historiques, géographiques, culturels. À vrai dire, j’essaie d'élargir le spectre le plus possible parce que sinon je m’ennuierais un peu. Je continue à faire cette émission pour y apprendre des choses. Au fil des émissions, je suis de moins en moins dupe et j'ai fini par me bâtir une culture culinaire. Mais je continue toujours à apprendre des choses. C'est ça qui m'excite. Je prépare moi-même mes émissions. Elles sont co-préparées par un attaché de production qui me fournit des éléments avec la documentation de Radio France. Je parle à mes invités avant, j'écris mes propres questions, je me renseigne sur tel aspect. C'est un travail artisanal que j'aime continuer à faire.

« On Va déguster » est parfois érudite mais jamais dans un entre-soi.

Au fil des années, on s'est étoffé, on a osé des sujets plus pointus. Dans l'été 2010, on a fait une émission sur la cuisine italienne. Je lui ai consacré un livre qui m'a pris 10 ans de travail, avec 600 pages à la clé. Vous pensez bien qu'aujourd'hui, on ne fait plus d'émissions sur la cuisine italienne. On fait une émission sur la cuisine vénitienne, sur le risotto ou sur le vinaigre balsamique. Nous avons ainsi réussi à rendre notre émission plus pointue tout en restant accessible et populaire parce qu'on ne veut pas du tout être dans l'entre-soi. L'idée, c'est d'entraîner notre public… et nos audiences montrent qu'on a un peu réussi notre pari. Il n'y a rien qui me fait plus plaisir lorsque j'arrive à un dîner ou que quelqu'un vient me voir dans la rue ou dans le métro pour me dire qu'on a beaucoup apprécié une émission sur le parmesan ou sur la fraise. Alors qu'à priori, cette personne n'est pas forcément très gastronome. On essaie de faire l'émission gastronomique pour toute personne un peu curieuse et pas forcément obsédée par la bouffe. Évidemment, les obsédés de la bouffe nous suivent et on a un noyau dur de gens passionnés par la question mais l'idée reste de faire ce pas de côté, de nous adresser à un public aussi large que possible. Je me répète mais on essaie de le faire par le biais du plaisir et de la bonne humeur. La ligne éditoriale de notre émission, c'est peut-être de raconter des choses sérieuses sur la gastronomie mais avec bonne humeur et convivialité. Jérôme Gagnez contribue beaucoup à cette bonne humeur, à ses rires, à ses bouches pleines qui expriment au micro. L'objectif, c'est aussi de passer un bon moment ensemble.

15 ans c’est long, non ?

Ça fait 15 ans que je me lève le dimanche assez tôt pour finir de préparer mon émission. Je n’en ai pas toujours envie mais quand je suis devant le micro, le plaisir est là. On est heureux d'être là ensemble.

Cette complicité à l’antenne est pour partie la raison de ce succès ?

Oui, j'aime bien ce mot-là. Il y a un esprit de bande et j'ai la faiblesse de penser qu'une partie des auditeurs a envie d'être avec nous. Dès le départ, dans le cahier des charges, il y avait l'idée d'une émission de bande.

Arrêtons-nous à la déconsommation du vin, est-ce que le salut passera par la table ?

La cuisine en France mais aussi dans les autres pays du Vieux Continent s'envisage comme ça, avec le vin. Oui, je suis entièrement d'accord, la gastronomie peut réconcilier les gens avec le vin. Le vin est systématiquement abordé dans notre émission en articulation avec le reste du contenu, et on n'envisage pas de décontextualiser le vin du reste de l'émission, ça n'aurait pas de sens. Le vin s'invite pour, précisément, apporter de la fluidité dans nos propos et compléter l'offre, compléter l'assiette. C'est un peu notre idée, c’est ainsi qu'on envisage le vin, comme une tradition multiséculaire qui accompagne la célébration de la gastronomie dans la définition du repas gastronomique des Français, tel qu'il a été classé au patrimoine immatériel de l’Unesco en 2010. Le vin est nommément cité, il fait partie intégrante de tout le protocole culinaire, des arts de la table, du déroulement d'un repas. Je crois que c'est bien la meilleure façon d'en parler. Ce qui nous met à l'abri des reproches de l'ARCOM ou du CSA autrefois, c'est précisément d'aborder le vin dans cette dimension patrimoniale. On ne peut pas suspecter le vin d'être responsable d'une consommation excessive d'alcool en France et l’accuser de tous les maux parce qu'il faudrait déjà commencer par s'attaquer aux géants des spiritueux qui, de manière plus ou moins déguisée, encouragent la consommation d'alcool chez les jeunes, des alcools qui ne racontent rien, des alcools qui ont des degrés alcooliques beaucoup plus importants que le vin. Nous, on essaie de raconter le vin, il est d’ailleurs prouvé que quand on raconte le vin comme une culture, comme un héritage, on n’encourage pas la consommation ou alors une consommation raisonnable, à peu près conforme avec nos impératifs de santé. On précise toujours qu'il faut consommer du vin avec modération, on est une émission de service public, ne l’oublions pas, qui touche entre 1,5 et 2 millions d'auditeurs chaque dimanche.

Quel est votre premier souvenir de vin ?

J'ai grandi à Lyon où nous avions une maison avec une cave aménagée. On avait, pour être honnête, un parti pris régional. C’est lorsque j’ai pu casser ma tirelire, bien plus tard, en étant étudiant pour aller dans les grands restaurants que j’ai découvert les grands Bordeaux. Mais les premières émotions que j'ai eues en termes de vin sont à mettre au crédit de mon père qui était globalement passionné par les vins méditerranéens et de la vallée du Rhône septentrionale. Ma mère était fan de Syrah. En été, nous buvions souvent des Crozes-Hermitage blancs. Mon père aimait aussi les vins de Bandol. Ma mère ayant des origines corses, je dois dire que les Patrimonio à base de Niellucciu, cousin du Sangiovese, m’ont beaucoup marqué avec les vins élevés en barriques d’Orenga de Gaffory, qui proposait justement des vins avec un profil un peu bordelais. C'étaient des vins que mon père avait pris le temps de faire vieillir dans sa cave et qui avaient ce côté un peu concentré. Des jolis vins que ma mère accompagnait d'un bon bœuf bourguignon, d'un navarin d'agneau. C'est vrai que j'étais un peu élevé à la vallée du Rhône et j'ai toujours encore une affection pour les Gigondas, les Cornas. Évidemment, mon goût du vin s'est élargi grâce à mes découvertes professionnelles, grâce à mes nombreuses expériences au restaurant et grâce aussi à « On Va déguster ». Je visite de plus en plus de domaines et je suis ravi de le faire à l'occasion de mes tournages ou de mes déplacements en France et à l'étranger.

Quel est le thème de la dernière émission de la saison ?

Le 22 juin, nous le fêterons en bande ! Ces dernières de l’année sont souvent des émissions de chroniqueurs ! Nous aurons autour de la table, les deux compères Jérôme Gagnez et Laurent Delmas, Zazie Tavitian, Manon Fleury et Alexandra Pierini. Chacune et chacun dégainera ses bons plans, ses bonnes cuvées, ses lectures gourmandes, ses recettes estivales et je ferai une dégustation à l’aveugle. C’est un peu une mise en bouche pour l’été. Je l’envisage comme une dernière journée d’école… On arrête de travailler, on sort les jeux… ça sera un joyeux foutoir en somme !

Bientôt de passage par Bordeaux ?

Oui, à plusieurs reprises ! Je viens animer une conférence avec Jérôme dans le cadre des Vendanges du Savoir à la Cité du Vin en septembre et je viens faire une petite formation «pizza» chez Bartolo Calderone.

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La campagne 2023 fut intense et soutenue, dans la mesure où les sorties plus précoces se sont effectuées à un rythme très rapproché chez bon nombre de têtes d'affiche et autres « stars », suscitant un peu d'excitation. Cette campagne des primeurs a été plus ramassée et dense que 2022 qui s'étira quant à elle sur deux mois. Comme rappelé par M. Bernard, du groupe Millésima, le contexte économique particulier d'inflation et de ralentissement économique « génère une incertitude qui incite inéluctablement les consommateurs et les investisseurs à être plus prudents ». Sous entendant que les prix seront globalement revus à la baisse, aux vues du niveau des stocks chez les importateurs, les distributeurs et les cavistes ou encore de la baisse des ventes sur les principaux marchés exports. Ce qui, au regard de la qualité et du volume du millésime, devrait susciter un regain d'attractivité et redonner le sourire aux consommateurs et aux producteurs.

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