Carte blanche à Jérôme Gagnez : un millésime demi-corps ?

Jérôme Gagnez, chroniqueur vin dans l'émission On Va Déguster sur France Inter et membre du comité de dégustation de La Revue du Vin de France nous dit du millésime 2024 qu’il est fin, frais et gracile, dans le meilleur des cas !

13 mai 2025
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Une des vertus des dégustations primeurs est d’offrir au dégustateur une photographie assez précise du millésime. Voici quelques caractéristiques qui me semblent être la signature de 2024.

Personne ne l’ignore, la saison a été très difficile et exigeante. Le printemps extrêmement pluvieux a engendré une pression du mildiou jugée exceptionnelle et une floraison chaotique dans certains secteurs. Cette floraison parfois très étalée a donné des maturités hétérogènes.

Enfin, les vendanges très humides n’ont pas permis une récolte à pleine maturité pour les rouges. Les pluies importantes ont obligé les vignerons à arbitrer entre maturité et état sanitaire. Pour récolter des raisins à peu près mûrs, il fallait accepter le risque d’une perte substantielle de récolte à cause du tri rendu nécessaire par la pourriture.

La faiblesse générale des maturités aura donc permis aux plus jeunes des vinificateurs de renouer avec une tradition bien connue des plus anciens, la chaptalisation. Ce millésime aura au moins permis la transmission de ce savoir-faire en passe de disparaître.

À partir de ce constat, quel est le profil de ce millésime ?

Comme souvent, il n’y a pas d’homogénéité entre les différents secteurs du vignoble bordelais. Il y a cependant une tendance générale qui se dégage que l’on peut décrire de deux façons, édulcorée ou brute : les jus sont graciles ou minces voire maigres. La formule édulcorée les qualifiera de graciles, la version plus brute les décrira minces, maigres. À vous de choisir la formule qui vous plaît !

Les vins les plus intéressants sont donc les moins creux, ceux qui fournissent le milieu de bouche le mieux garni. L’enjeu important avec un profil aussi svelte est la justesse de l’extraction d’une part et la pertinence de l’élevage d’autre part.

Les extractions se sont révélées plutôt fines et adaptées dans l’ensemble, comme cela semble être devenu une excellente habitude après des années de démesure. S’agissant de l’élevage, la confiance dans la capacité d’adaptation est moins évidente. L’addiction au bois dans les crus classés et assimilés est encore tenace. Gageons que les vinificateurs sauront adapter la charge de l’élevage à des matières réclamant de la délicatesse et de la douceur.

En résumé, 2024 a produit des jus de demi-corps, marqués par une acidité revigorante. Les vins les mieux élevés se révèleront fins, frais et graciles, très digestes et aptes à une demi-garde. 2024 a un parfum de nostalgie, il rappelle une époque pas si lointaine où la recherche de la maturité était au centre des préoccupation des vignerons.

En attendant, bon nombre de 2021 se révèlent délicieux et accessibles, buvons-les avec gourmandise !

Jérôme Gagnez, chroniqueur vin dans l'émission On Va Déguster sur France Inter et membre du comité de dégustation de La Revue du Vin de France
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La campagne 2023 fut intense et soutenue, dans la mesure où les sorties plus précoces se sont effectuées à un rythme très rapproché chez bon nombre de têtes d'affiche et autres « stars », suscitant un peu d'excitation. Cette campagne des primeurs a été plus ramassée et dense que 2022 qui s'étira quant à elle sur deux mois. Comme rappelé par M. Bernard, du groupe Millésima, le contexte économique particulier d'inflation et de ralentissement économique « génère une incertitude qui incite inéluctablement les consommateurs et les investisseurs à être plus prudents ». Sous entendant que les prix seront globalement revus à la baisse, aux vues du niveau des stocks chez les importateurs, les distributeurs et les cavistes ou encore de la baisse des ventes sur les principaux marchés exports. Ce qui, au regard de la qualité et du volume du millésime, devrait susciter un regain d'attractivité et redonner le sourire aux consommateurs et aux producteurs.

Présentation de nos dégustateurs lors des primeurs 2023