Une des vertus des dégustations primeurs est d’offrir au dégustateur une photographie assez précise du millésime. Voici quelques caractéristiques qui me semblent être la signature de 2024.
Personne ne l’ignore, la saison a été très difficile et exigeante. Le printemps extrêmement pluvieux a engendré une pression du mildiou jugée exceptionnelle et une floraison chaotique dans certains secteurs. Cette floraison parfois très étalée a donné des maturités hétérogènes.
Enfin, les vendanges très humides n’ont pas permis une récolte à pleine maturité pour les rouges. Les pluies importantes ont obligé les vignerons à arbitrer entre maturité et état sanitaire. Pour récolter des raisins à peu près mûrs, il fallait accepter le risque d’une perte substantielle de récolte à cause du tri rendu nécessaire par la pourriture.
La faiblesse générale des maturités aura donc permis aux plus jeunes des vinificateurs de renouer avec une tradition bien connue des plus anciens, la chaptalisation. Ce millésime aura au moins permis la transmission de ce savoir-faire en passe de disparaître.
À partir de ce constat, quel est le profil de ce millésime ?
Comme souvent, il n’y a pas d’homogénéité entre les différents secteurs du vignoble bordelais. Il y a cependant une tendance générale qui se dégage que l’on peut décrire de deux façons, édulcorée ou brute : les jus sont graciles ou minces voire maigres. La formule édulcorée les qualifiera de graciles, la version plus brute les décrira minces, maigres. À vous de choisir la formule qui vous plaît !
Les vins les plus intéressants sont donc les moins creux, ceux qui fournissent le milieu de bouche le mieux garni. L’enjeu important avec un profil aussi svelte est la justesse de l’extraction d’une part et la pertinence de l’élevage d’autre part.
Les extractions se sont révélées plutôt fines et adaptées dans l’ensemble, comme cela semble être devenu une excellente habitude après des années de démesure. S’agissant de l’élevage, la confiance dans la capacité d’adaptation est moins évidente. L’addiction au bois dans les crus classés et assimilés est encore tenace. Gageons que les vinificateurs sauront adapter la charge de l’élevage à des matières réclamant de la délicatesse et de la douceur.
En résumé, 2024 a produit des jus de demi-corps, marqués par une acidité revigorante. Les vins les mieux élevés se révèleront fins, frais et graciles, très digestes et aptes à une demi-garde. 2024 a un parfum de nostalgie, il rappelle une époque pas si lointaine où la recherche de la maturité était au centre des préoccupation des vignerons.
En attendant, bon nombre de 2021 se révèlent délicieux et accessibles, buvons-les avec gourmandise !
