Paroles d’acteur : Ludovic Creuzé, courtier en vin de la Place de Bordeaux.

Les courtiers se positionnent comme des acteurs agissants et importants de la filière dans la mesure où bien souvent ils sont le maillon nécessaire entre les demandes du marché et la production. Ludovic Creuzé, courtier en vin de Bordeaux, revient pour nous sur son rôle et les enjeux de la filière.

3 octobre 2024
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Parlez-moi de vous, de votre structure…

Je suis courtier en vin depuis une vingtaine d’années. Auparavant, j’ai travaillé pour le compte d’une banque pendant 8 ans, aux services des entreprises. Je suis un passionné de vin depuis toujours, j’aurais dû poursuivre une carrière à Paris mais l’originaire de Bordeaux que je suis, a préféré rester à Bordeaux. Je me suis donc intéressé aux opportunités qu’offrait le milieu du vin. Des amis propriétaires et négociants m’ont conseillé de créer un bureau de courtage. J’ai donc passé l’examen et me suis installé à mon compte. Je travaille principalement sur la rive gauche (le Médoc, le Haut-Médoc et les appellations communales). Il me semble qu’en étant seul, il faut être le spécialiste d’une région pour répondre rapidement aux demandes. On ne peut pas être partout, il faut savoir réagir vite. Je suis en propriété trois ou quatre fois par semaine afin d’échanger avec les propriétaires et déguster leurs vins. Je connais les différents types de vins des propriétaires, leurs prix et l’état de leurs stocks. Je travaille avec une trentaine de négociants de la Place de bordeaux auxquels je propose uniquement des vins de Bordeaux et des grands crus classés en primeur.

Ludovic Creuzé – courtier en vin de la Place de Bordeaux.

En quoi consiste votre métier ?

Nous restons un intermédiaire entre la propriété et le négoce. Lorsqu’une demande porte sur un profil de vin, un millésime, une AOP, un type de récompenses, nous sommes capables de répondre aux différents négociants en proposant des échantillons qu’ils dégusteront et achèteront par la suite.

À partir de là, le courtier établit un bordereau que les trois parties signent. Il perçoit une commission de 2 %, reversée par le négociant. Il est utile de rappeler ici que le courtier ne vend ni n’achète, il met en relation le propriétaire et le négociant. Le courtage bordelais qui compte une centaine de bureaux a surtout évolué avec le regroupement de certains courtiers et l’arrivée de jeunes courtiers. Mon activité représente 80 % de bouteilles. J’ajoute, et ce n’est pas la moindre de ses missions, que le courtier est un relais d’informations entre le négoce et les propriétaires. À ce titre, il est amené à conseiller les propriétaires.

Pouvez-vous revenir sur un marché qui semble à l’arrêt ?

La crise financière de 2008 et 2009 aurait déjà dû avoir une répercussion sur les vins de Bordeaux. Le marché chinois s’est alors heureusement ouvert au négoce et nous a tiré d’un mauvais pas annoncé. Depuis un certain temps, l’économie chinoise va moins bien, elle fait face à des problèmes de croissance, d’immobilier.
Le gouvernement chinois a récemment injecté 150 milliards de dollars dans son économie ce qui prouve, s’il le fallait, que cette dernière a moins d’allant. Aujourd’hui, le marché chinois n’achète plus et la grande distribution, un autre acteur majeur de la filière, achète moins qu’avant. La hausse des taux d’intérêt a, quant à elle, un impact sur le coût des stocks. Cette incertitude est encore accrue par le contexte géopolitique et les élections américaines.

S’il n’est pas toujours aisé d’envisager une solution, que préconisez-vous ?

Certains crus intermédiaires sont devant un mur ! Ils n’ont plus de demande, les stocks grossissent à vue d’œil et ils se voient parfois dans l’obligation d’arracher ou de vendre à perte. Le négoce fait ce qu’il peut pour sortir Bordeaux de l’ornière et promouvoir les vins girondins. J’ajoute que Bordeaux ne manque pas de bons vins. J’ai des crus bourgeois que le négoce achète entre 4 et 7 euros qui sont tout à fait remarquables, de vraies pépites. Je ne voudrais pas sortir de mon rôle mais je crois important que les propriétaires s’assoient autour d’une table avec les négociants, les œnologues, les commerciaux pour entendre et comprendre les goûts et les souhaits des clients.

D’autre part je pense qu’il va falloir faire preuve de solidarité entre les différents acteurs et inciter les restaurateurs et les cavistes à augmenter la part des vins de Bordeaux à la carte. Une belle façon d’accueillir les quatre millions de touristes – et futurs prescripteurs - qui passent par la région et souhaitent boire du Bordeaux. J’ajoute que Bordeaux reste pour de nombreux œnophiles encore synonyme de grand savoir-faire et de qualité bien au-delà de nos frontières.

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La campagne 2023 fut intense et soutenue, dans la mesure où les sorties plus précoces se sont effectuées à un rythme très rapproché chez bon nombre de têtes d'affiche et autres « stars », suscitant un peu d'excitation. Cette campagne des primeurs a été plus ramassée et dense que 2022 qui s'étira quant à elle sur deux mois. Comme rappelé par M. Bernard, du groupe Millésima, le contexte économique particulier d'inflation et de ralentissement économique « génère une incertitude qui incite inéluctablement les consommateurs et les investisseurs à être plus prudents ». Sous entendant que les prix seront globalement revus à la baisse, aux vues du niveau des stocks chez les importateurs, les distributeurs et les cavistes ou encore de la baisse des ventes sur les principaux marchés exports. Ce qui, au regard de la qualité et du volume du millésime, devrait susciter un regain d'attractivité et redonner le sourire aux consommateurs et aux producteurs.

Présentation de nos dégustateurs lors des primeurs 2023