Ode au tourin par Jean-Pierre Xiradakis
Le tourin c'est tellement simple que l'on peut le faire sur une jambe.
Il n'a pas son pareil, c'est une légende : à l'ail, à l'oignon, à la tomate, au bouillon de poule avec un jus de viande ou à l'eau claire. Il s'écrit de mille façons suivant les villages.
Il est du Sud-Ouest évidemment et foncièrement gascon car les lendemains de cuite il devient le tourin à l'ivrogne. Un potage, une soupe mais surtout pas un velouté, il trône avec fierté sur la table des sans grade. Une recette anodine, familiale et odorante, presque rien qui étanche la soif, qui nourrit délicatement, joyeusement, fidèlement la tablée.
Fier dans sa présentation, blanchi la plupart du temps car le blanc d'œuf tire ses filaments et donne à ce chef-d’œuvre cet aspect nobiliaire. Ail de Lautrec ou oignons de Mazères, jaune d'œuf pour lier et au dernier moment, pour marquer le territoire et affirmer son caractère et sa force, quelques gouttes de bon vinaigre pour compenser la graisse de canard.
Pour le servir, le choix est multiple avec le tourin : soupière en faïence, assiette à soupe ou à calotte et pourquoi pas, pour les irréductibles, le fameux chabrot, prince de la toile cirée. Et même - si si c'est vrai ! - la tradition du mariage nous l'impose au pot de chambre. C'est à partir de là qu'il rentre au panthéon par la grande porte.
S'il vous plaît violons et trompettes ! Voilà ce que, chez nous, en Gascogne nous faisons d une soupette : un monument à la gloire de la gastronomie !