La note du millésime par Féret
Féret, c'est une première, revêt l'habit d'un prescripteur passionné et légitime de plus de 200 ans d'expertise avec la présentation de notes de dégustations primeurs. Pour cet événement annuel majeur, un collège d'experts Féret reconnus (un jury trois étoiles !) livre les notations pour la campagne 2023.
Un millésime riche et multiple
Il est bien entendu impossible de résumer le millésime 2023 à quelques caractéristiques ou séquences météorologiques. Bordeaux reste multiple, riche et démontre cette année encore sa forte capacité d'adaptation. On parlera cette année une nouvelle fois d'un millésime révélateur de lieux et de grands terroirs.
Un scénario à suspense
Pour la campagne 2023, la fin de printemps est très humide, ce qui fait dire à Benjamin Massié de Derenoncourt Consultants, qu'il s'agit d'un millésime qui a demandé une grande capacité d'adaptation, aussi bien pour les bio que pour les conventionnels avec des cadences de traitements assez similaires.
Le mois de juillet est marqué par un changement radical de climat. Cependant, les nuits restent chaudes avec une pression continue du mildiou. On a vite basculé à partir du 18 août dans une séquence caniculaire, et ce jusqu'au 25 août. C'est un millésime qui peut être vu comme un des plus chauds de la dernière décennie. Comparé à 2022, ce dernier laisse en revanche beaucoup plus parler les terroirs et peut, à certains égards, être comparé à 2014.
Phénomène plutôt rare, l'été indien a permis la concomitance des maturités phénoliques et technologiques. Les arômes sont préservés en fin de cycle ce qui en fait un millésime très intéressant avec des équilibres aromatiques, de l'énergie et de la fraîcheur.
Rendements et fraîcheur au rendez-vous
On constate bien entendu une forte variété sur l'ensemble du territoire, avec les impacts liés au mildiou ou au gel. On peut parler d'un millésime de cabernets et plus particulièrement de cabernet sauvignon sur la rive gauche. Les rendements sont très beaux sur de nombreux secteurs.
Les belles sorties de fruits ont souvent nécessité de soulager les vignes afin de pouvoir aller chercher les bonnes maturités. Il y a eu sur les sols plus filtrants quelques problèmes de stress hydrique. Sur le calcaire, on retrouve de belles acidités, de la fraîcheur, de l'énergie et des jus souvent très mûrs.
Il n'est pas exagéré de dire qu'en 2023, tout s'est joué à la vigne avec, en particulier, le besoin de porter une attention particulière aux sols dès le mois d'août. Avec toute une réflexion autour des couverts végétaux qu'il fallait mener dès le mois de juin. En cuve, les équilibres sont intéressants avec une belle extractibilité des tanins et des arômes.
Ce qui fait dire à beaucoup d'œnologues qu'il s'agit en réalité d'un millésime qui demande à s'effacer. En fonction des terroirs, les jus ne devront pas être élevés de la même manière. Il faudra distinguer les lots issus de sables ou de graves aux bouquets aromatiques très fins et pas très opulents (d'où une proportion accrue d'amphores) ou encore les vins de sols argileux ou calcaires pour ne pas matraquer les jus.
Un millésime sans recette préétablie
On repérera, bien souvent, dans ce millésime d'« esthètes » les acteurs et actrices qui ont respecté la matière, à l'extraction comme à l'élevage.
Des équilibres somme toute assez fragiles demanderont en effet parfois un peu de retenue. À l'image des 2014 ou des 2016, le 2023 se présente comme une éponge à terroir. On peut encore une fois parler d'un millésime de vignerons dans la mesure où 2023 a demandé une grande capacité d'adaptation, de la flexibilité, la remise en cause de pratiques et une cuvaison particulièrement adaptée.
Les blancs offrent des équilibres parfaits. Les vins sont élégants et digestes avec des teneurs en alcool modérées. Les sauvignons blancs ont été ramassés précocement la dernière semaine d'août. Ils affichent des notes suggérant les fruits jaunes, les fruits exotiques et sont souvent dénués de tout caractère végétal. Les sémillons plus tardifs ont échappé aux pluies de mi-septembre. Ils apportent du gras à l'ensemble. Cela donne des vins aromatiques, complexes et joliment explosifs.
Les rouges se présentent sous des atours plus fins qu'opulents. Il faudra se montrer très attentif à ne pas trop extraire pour conserver le soyeux et la rondeur des débuts de fermentation. Finalement donc des vins tout en finesse, plus classiques mais d'une jolie profondeur. Ils sont globalement construits sur une belle trame de tanins fins, procurée par une fin d'été favorable et un beau début d'automne. Les vins jouissent globalement de concentrations et de niveaux d'alcool très modérés. Les grands terroirs sont au rendez-vous ! On se laissera surprendre par la richesse et la diversité de leurs profils.
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