Éditorial
Les conditions d’un retour du vin blanc bordelais
Le vin blanc est de retour, il serait même privilégié par 90 % des consommateurs ! Il reste en 2025 la couleur de vin favorite des Français. Une tendance semble-t-il largement portée par la tranche des 25-36 ans, consommatrice occasionnelle de vins sans tanins vraisemblablement et qui ne demanderont donc aucune exégèse laborieuse. D’où également l’émergence de blancs de noir — en particulier sur des terres de rouge — aux profils plus « blancs » (voir « Coup de projecteur » et « Échos de Bordeaux »). Le champion des champions reste le Chardonnay, privilégié par 39 % des consommateurs, suivi par le Pinot noir (28 %) et le Merlot (27 %), le Cabernet Sauvignon (23 %), le Riesling (19 %) puis le Sauvignon blanc (17 %)*. Tout laisse à penser que le Sauvignon blanc cité ici renvoie plus à une interprétation sancerroise ou tourangelle que pessacaise du grand cépage.
Que s’est-il passé pour que Bordeaux ne s’impose pas dans l’esprit des amateurs de vin comme une indiscutable terre de blanc(s) ? Dans « Paroles d’Acteur », Stéphanie Marchand de l’ISVV et Julien Belle d’Œnoteam répondent longuement à cette question, vantent les qualités intrinsèques (à retrouver) des Sémillons et Sauvignons blancs, échafaudent quelques plans pour sortir de la crise et s’interrogent sur la nécessaire réinterprétation de ces derniers. Au niveau de la filière, on appelle de nos vœux une vaste concertation, des assises sur les vins blancs bordelais dans toute leur belle diversité.
Une question d’interprétation
Ni pics karstiques, ni tuffeau ligérien, ni schiste ou ardoise à l’horizon mais des terroirs à préciser encore, à mieux circonscrire. Des élevages aux petits oignons avec une meilleure gestion des lies s’imposeront encore grandement pour définir les nouveaux profils organoleptiques des blancs de Gironde et battre en brèche l’idée reçue que l’ancienne terre de vins blancs se résume à la seule existence d’un Sauvignon blanc thiolé et convenu ou d’un Sémillon sans vivacité. Des vins qu’on réservera de ce fait à ces moments limitants de l’apéritif – où ces derniers lutteront pied à pied avec quelques rosés indélicats – ou encore de l’huître gobée sur un coin de comptoir. On est en droit de penser comme le disent encore fort justement Stéphanie Marchand et Julien Belle, que les blancs de Bordeaux renaîtront de leurs cendres lorsqu’ils (re)trouveront leur place à table.
Les blancs tiennent parfois leur promesse
Une récente dégustation à l’aveugle de vins blancs de Corbières nous a permis de nous émerveiller de la variété et de la qualité globale de nectars amples, complexes et surtout frais. On a pu remarquer, en dehors des vins délicats élaborés à partir de Marsanne, de Roussanne ou encore de Vermentino, le retour en grâce d’un Grenache blanc parfaitement adapté. Une dégustation qui a installé pendant toute sa durée l’impression que l’offre était incroyablement riche, diversifiée et pourtant, toujours parfaitement identitaire avec des vins le plus souvent destinés à la table.
On se prend à rêver que les faiseuses et faiseurs de blanc en Gironde revêtent leurs habits de chercheuses et de chercheurs pour nous livrer des vins mûrs, amples et frais et dessinent en creux une identité forte de vins issus de Sauvignon blanc, Sémillon, Muscadelle ou Sauvignon gris. Bdx le jus blanc de l’inclassable Derenoncourt signe un des grands retours de blancs à la silhouette gracile et fraîche.
Les blancs ont le vent dans le dos : que Bordeaux réinterprète à loisir ses cépages et se laisse porter par cette brise revigorante !
Fidèlement vôtre.
Henry Clemens
Directeur de publication
(*) Marché du Vin & Spiritueux | 15 Chiffres & 5 Tendances 2025
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