Qui êtes-vous ? Présentez-moi le château des Annereaux
J’ai 42 ans. J’ai rejoint mon père en 2013 après avoir fait des études de commerce puis créé une entreprise à Paris avant de revenir à Bordeaux. Il a rapidement été évident que j’allais, dans un premier temps, aider mon père et, dans un second temps, reprendre les rênes des Annereaux, dans le giron familial depuis 600 ans. Les Annereaux est le nom de mes ancêtres.
Mon père était cantonné dans le Médoc – châteaux Moulin à Vent, Tour Blanche pour ne pas les citer – dans la mesure où une partie des Annereaux avait été vendue à un négociant dans les années 1970. C’est en 2004 que mon père a racheté les 50 % restants en revendant les domaines médocains. Un acte d’achat sentimental qui nous a permis de reprendre la production à notre compte et recouvrer une propriété de famille.
Depuis 2016, je dirige seul le domaine, soutenu par le consultant Axel Marchal, pour lequel j’ai une grande estime et qui contribue chaque année de manière significative à nos progrès et à notre recherche constante de l’excellence.
J’ai 23 hectares en AOP Lalande-de-Pomerol et 2 hectares en AOP Bordeaux. Le château des Annereaux est en agriculture biologique depuis 2010. Une volonté de mon père qui fut, il faut bien le dire, assez précurseur dans son domaine. Il était ingénieur agro, œnologue et un temps vendeur de produits phytosanitaires. Ce qui n’est pas pour rien, j’imagine, dans sa volonté de transition vers une viticulture plus vertueuse. Le château est également la première propriété certifiée B Corp à Bordeaux, une reconnaissance de notre engagement en faveur de l’environnement et de la responsabilité sociale.
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Que vous répétait votre père lorsque vous avez commencé ?
Il m’a toujours recommandé de ne pas suivre les courants et les modes. Il n’a d’ailleurs jamais suivi la mode Parker. Nous utilisons, aujourd’hui encore, peu de barriques neuves pour respecter notre Merlot dont la première qualité reste le fruit et l’élégance. En termes d’élevage, j’ai ajouté une cuve bois de 50 hectolitres pour avoir quelque chose de moins marquant avec toujours cette volonté de préserver le fruit. Aujourd’hui, sans le vouloir, nous correspondons à une tendance. Je m’évertue, en tout cas, à ne pas suivre aveuglément les modes. Si on est droit dans ses bottes, en phase avec sa production, on fidélisera ses consommateurs. Je me refuse d'adopter des principes extrêmes, l’équilibre reste primordial.
Comment peut-on envisager une sortie de crise ?
La sincérité finit par payer. Je crois que nous assistons à un effet de balancier. Je sais qu’on boira à nouveau du Bordeaux, je crois donc important de rester fidèle à ses principes, à ne pas répondre à la tentation de tout balancer pour répondre à une demande actuelle éphémère. Je dirais donc qu’il ne faut pas se renier et toujours rechercher la qualité optimale, je crois beaucoup au « produit ».
D’autre part je pense qu’il est essentiel de mieux valoriser les vignerons et les vigneronnes, notamment en les mettant davantage en avant sur les étiquettes. À Bordeaux, on valorise encore trop peu le rôle des vignerons, contrairement à des régions comme la Bourgogne ou le Rhône.
Que pensez-vous de l’engouement pour les vins nature ou
sans sulfite ?
Je redoute l’homogénéisation des vins nature par le défaut, c’est une tendance pour le coup qu’il faut combattre. La notion de terroir doit rester au cœur de la dégustation. Il nous faudra récupérer ces amateurs et primo-dégustateurs dont on peut redouter qu’ils prennent, sinon, un mauvais pli.
Le Merlot a-t-il un avenir ?
J’ai arraché du Merlot pour planter du Cabernet Sauvignon qui est extraordinaire ici. Le Merlot fut parfait en 2022, millésime très chaud, la vigne est résiliente et le Merlot également. Même avec des alcools importants, il reste frais et digeste. Je ne crois pas que le Merlot vive ses dernières heures, là encore, l’essentiel est de préserver un équilibre parfait dans le vin.
Concernant les blancs, en faites-vous ?
J’ai 2 hectares en Bordeaux sur lesquels je produis des vins dans la mesure où je n’en ai pas assez. J’ai créé une petite structure de négoce qui me permet de sourcer d’autres vins bios de qualité que j’assemble avec mon propre vin. Ainsi je peux proposer des vins de copains et des blancs dont la demande augmente !
Et 2024 dans tout ça ?
Les vins de 2024 seront par défaut frais et peu alcooleux, répondant parfaitement, en rouge, aux attentes des consommateurs. Il est important de ne pas avoir uniquement de grands millésimes, mais aussi des vins à apprécier rapidement. Cela dit, avec 80 % de grêle cette année, ma production sera très limitée.